« Je
ne suis pas sûr d’avoir rendu compte de ce qui est important. Et il ne me sera
pas facile de distinguer chaque jour le futile de l’essentiel, l’anecdotique de
l’exemplaire, les sentiers borgnes des vrais chemins. Mais j’avancerai les yeux
ouverts. »
Amin Maalouf
Nous voila donc rentrés de notre
voyage, vachement pauvres mais tellement riches ! On nous avait promis
l’enfer, on a nous-mêmes faillis ne jamais partir, et finalement tout s’est
bien passé, naturellement, sans embrouille. On peut y voir un gros coup de bol,
et sans doute qu’on a eu de la chance, mais je veux aussi voir là le signe que
notre organisation et notre prévoyance ont porté leur fruit.
Avant le départ, à Roanne |
On nourrit malgré tout pas mal de
regrets : on n’a pas vu un vrai match de foot, alors qu’on en a eu
l’occasion. On a traversé quelques grandes régions de football, et parfois la
ville où on se trouvait accueillait un match, mais on n’est jamais allés au
stade (surtout à cause du prix des billets).
On n’a pas bossé sur le trajet
alors que c’était un de nos vrais objectifs. Quelques occasions se sont
présentées, mais il aurait fallu rester (beaucoup) plus longtemps sur place
avant même que le job ne commence. Dommage.
On n’a pas vu de gros concert. Pas
mal de petits, certes, mais ça ne nous aurait pas déplu d’aller voir une star
locale, ou international de passage. Encore une fois, le prix des billets
plongeait inexorablement notre budget serré dans le fond de la cuvette.
Aussi il y a eu plein de choses
avec ou dans le camion dont on ne s’est jamais servis. Notamment l’électricité,
c’est quand même con. On a branché le
popo 8 jours en Grèce, et basta. Bien sûr avec le froid l’utilisation du frigo
n’était pas absolument indispensable, mais on a toujours tourné sur la batterie
pour l’ordi ou recharger les portables. Vous allez me dire on s’en fout, mais
on regrette en général de ne pas avoir assez campé, surtout bien sûr à cause du
temps.
Enfin, on aurait aimé, et on
pensait vraiment, rencontrer d’autres voyageurs pour faire un bout de route
avec nous. Bien sûr il y a eu Julien, mais il n’avait pas de moyen de
transport… passer un peu de temps avec d’autres gens en camion ça aurait pu
être super cool, mais que nenni.
Sur la route en Italie |
Voila, c’est bien de constater
qu’on regrette simplement des choses qui ne se sont passées, et pas de choses
qu’on a faites. On est tellement contents d’avoir fait ce voyage, on se sent
grandit et endurcit aujourd’hui. Et on retiendra bien sûr tous ces endroits et
ces évènements incroyables jusqu’à la fin de nos jours… là, je pense à JF et
Nelly à Cassis, à Pise, au week end à Rome qui commence dans un squatt et où on
avait un appart pour nous, à la Basilicata en Italie, à Météora en Grèce, aux
universités grecques, à Thessalonique et la maison de Kostas, à la rencontre
d’Umit à Lüleburgaz, à la folie d’Istanbul, à Pamukkale, au réveillon à Mugla,
à la rencontre de Bircan à Antalya, à l’ambiance de Beyrouth, à Yassine et
Marie dans cette même ville, à Ezz dans sa montagne libanaise, au site de
Baalbeck, à l’écovillage du Chouf, à Léo et Drago les punks de Bucarest, à
Prague, à Göttingen, et maintenant au plaisir de retrouver tout ce et ceux qui
nous ont tellement manqué pendant tout ce temps. On nous demande souvent :
« Qu’est-ce que vous avez préféré ? », mais il est impossible de
répondre à cette question. Au niveau de la nature ? Des
sites historiques ? Des gens ? De la bouffe ? De la
chouille ? Tous les endroits valaient
le coup d’être visités.
Statue des Martyrs à Beyrouth |
Quelques autres points que je
voulais aborder :
L’hygiène. Evidemment, par rapport
au quotidien en France, notre hygiène a été absolument déplorable, mais comparé
à beaucoup de gens qui vivent sur la route, on s’en est pas si mal sorti.
Maximum de jours sans douche : 8. Hardcore, mais en général on en prenait
une tous les 3 jours en moyenne. En hiver, ça va. Pour les vêtements, comme on
en a souvent parlé, c’était un peu la merde, même en gardant nos fringues 5
jours de suite on devait faire une machine chez chaque couch surfer, et parfois
le séchage n’était pas simple (parce qu’il faisait froid ou qu’on devait
reprendre la route). De même, la vaisselle, un vrai boulet au jour le jour, il
fallait la faire tous les jours et donc trouver un robinet. Le plus souvent
c’était dans les stations services, ça nous est arrivé de la faire avec un cubi
d’eau, mais là aussi on est souvent arrivés chez nos hôtes avec un plein sac de
gamelles à laver… pas très classe, mais bon. Je pense aussi désormais avoir le
système immunitaire et digestif le plus résistant d’Europe de l’Ouest, vu le
nombre de fois où on a mangé/fait à manger avec les mains et/ou les aliments
très sales, dans des récipients pas forcément brillants, et bu de l’eau
douteuse. Pourtant je ne suis jamais tombé malade. On a eu beau essayé de
rester le plus propre possible, et surtout de garder le camion et nos affaires
les plus propres possibles, faut avouer que c’était pas tous les jours simple.
La solidarité entre compatriotes.
On remarqué tout au long de la route que entre français, à l’étranger, on est
tout de suite très prompts à s’entraider. On se rappelle à Beyrouth, ou même
nous qui refilons nos bons plans ou un petit trajet en camion à des gens
rencontrés par hasard. C’était cool, ça fait plaisir, et quand on tombe sur
quelqu’un qui a la même langue maternelle, on est juste tout content de parler
naturellement de choses un peu plus profondes que d’habitude.
On a tellement appris, c’est
incroyable. Déjà, et le plus important, est sans doute que Camille se
débrouille en anglais. Mieux en 7 mois de voyage qu’en 7 ans d’école, c’est
quand même révélateur ! Et puis sur l’histoire, l’antiquité, la naissance
des religions, les empires successifs en Europe et au Moyen Orient, les langues
parlées dans tous ces pays et ce qu’elles révèlent sur la mentalité des gens,
la bouffe aussi, la musique… là on vient juste de renter, c’est encore tout
chaud et on n’a pas le recul nécessaire pour se rendre compte de tout ce qu’on
a à digérer. Une chose est sûre : c’était dense en enseignement tant sur
le monde que sur nous-mêmes et notre couple.
Notre couple justement, mis à rude
épreuve mais qui a tenu bon et même bien plus que ça. On n’a pas dû se séparer
plus de 2h depuis 7 mois, la plupart du temps avec le camion comme espace de
vie, on est toujours tous les 2, soudés, solidaires, ensemble, forts. Notre
complicité est aussi une des clés principales de la réussite de notre voyage.
On s’est bien pris la tête quelques fois, il y a bien eu des pleurs lors des
moments les plus difficiles, mais ça n’a jamais été très grave ni très long.
Pique nique en Grèce |
Mais nous vivons dans une société
dominée par les chiffres et les statistiques, donc voici une liste de numéros
qui en diront plus long sur ce qu’on a vécu.
-0. Le nombre le plus
important : 0 vol, 0 accident, 0 embrouille. Là encore on peut se dire
qu’on a eu beaucoup de chance, mais c’est aussi sans doute une récompense pour
avoir toujours faire attention, fermé et caché convenablement le camion quand
on partait, garder le plus près de nous les choses précieuses comme le PC ou
l’appareil photo. Pour les accidents, on n'a quasiment jamais roulé de nuit, même
quand elle tombait à 17h, jamais après avoir bu évidemment et même pas en étant
fatigué. On roulait 1h ou 2, on faisait une pause d’une heure, on changeait de
conducteur, et on allait doucement. Et 0 embrouille, pas une seule fois on a eu
peur, pas une seule fois on a paniqué, pas une seule fois on a craint pour
notre intégrité physique, pas une seule fois on a élevé la voix ou on s’est
énervés contre quelqu’un. Des soucis, des doutes, des angoisses, on en eu
souvent, voire tout le temps (est-ce qu’on peut se garer là ? Est-ce qu’on
peut dormir ici ? Est-ce qu’on peut lui faire confiance ? Comment on
va conduire dans cette ville ? Comment on va se garer ? etc), mais
une vraie peur genre « ça y est, c’est l’heure » non, jamais.
-1. Une panne, une seule, à Bagnoli
en Italie, et puis plus rien. Pas un pneu crevé, pas une panne d’essence, et un
popo au top à la ville comme à la campagne, à la mer comme à la montagne.
Yeah !
- 4. On aura dormi à 4 reprises
dans un hôtel, une fois à Istanbul et 3 fois au Liban. Tout le reste :
camion ou couch surfing.
4, c’est aussi le nombre
d’alphabets auxquels on a été confrontés : latin, grec, arabe et
cyrillique en Bulgarie.
- 10. Le nombre pays traversés.
Toutefois, on en a visité « que » 7. Mais bien visités, comme il
faut ! C’est aussi le nombre de langues qu’on a lues et entendues. Et oui,
une différente dans chaque pays ! Cette richesse extraordinaire nous a fasciné
à chaque fois, et on a toujours essayé d’apprendre au moins quelques mots
basiques. La moindre des choses, à notre avis, quand on visite un pays :
« Bonjour », « Merci », « Allez » et
« Santé ». Avec un sourire, et
hop on est copains !
- 16. Par un drôle de hasard, c’est
à la fois la nombre de sites UNESCO qu’on a visités et le nombre de concerts
auxquels on a assisté. Ce qui a rythmé notre voyage et nos découvertes. Le
nombre de fois où on s’en est mis plein les yeux et plein les oreilles. Si vous
regardez les posts avec le libellé « meilleurs », souvent ce sera à
propos d’un site exceptionnel ou d’une bonne soirée de musique.
- 26. Tous les couch surfers qui
nous ont hébergés. Abusé ! ça fait un paquet. Avec une moyenne de 3 nuits
par couch sufers, on se rend compte qu’on a passé plus la moitié du temps chez
des gens. Car il ne faut pas oublier tous ceux qui nous ont hébergés sans
passer par couch surfing.
Cap's chez les couch surfers de Mugla, Turquie |
- 49 lieux visités. 49 villes ou
villages où on a passé au moins une nuit.
- 100 pages WORD. Incroyable, mais
vrai, le document word « blog » fait pile poil 100 pages avec
ce message !
- 1293 photos. Classées, rangées,
nommées, toutes belles.
- 10 200 kms. La distance
parcourue AVEC LE CAMION. Ça fait pas beaucoup hein ? Il ne faut pas
oublier qu’on ne s’en est pratiquement pas servi en janvier et février, et
c’est ce qui explique ce nombre peu élevé. On peut sans doute le doubler en
comptant toutes les bornes parcourues en vélo, à pied, en bus, en métro, en
avion, en stop, en voiture, en bateau, en taxi… on a utilisé presque tous les
moyens de transports possibles et imaginables !
- 1 254 987.
Approximativement, le nombre de photos de vacances de gens sur lesquelles on
figure, volontairement ou non, dont une bonne moitié de japonais…
- 2 654 291. Le nombre de
bières descendues !!!
Pour terminer, on peut dire que ce
voyage nous aura avant tout confirmé dans nos opinions antiracistes,
antifascistes et anticléricales. On a pu constater à quel point l’église divise
et gouverne ; par contre, on a été réconcilié avec l’être humain, en
lequel on a décidé de croire, car c’est lui qui nous a aidé et a été
bienveillant avec nous lors de ce périple.
Et une petite vidéo, pour le plaisir...