vendredi 19 avril 2013

BON... ON RENTRE ?



« Je ne suis pas sûr d’avoir rendu compte de ce qui est important. Et il ne me sera pas facile de distinguer chaque jour le futile de l’essentiel, l’anecdotique de l’exemplaire, les sentiers borgnes des vrais chemins. Mais j’avancerai les yeux ouverts. »

Amin Maalouf


Nous voila donc rentrés de notre voyage, vachement pauvres mais tellement riches ! On nous avait promis l’enfer, on a nous-mêmes faillis ne jamais partir, et finalement tout s’est bien passé, naturellement, sans embrouille. On peut y voir un gros coup de bol, et sans doute qu’on a eu de la chance, mais je veux aussi voir là le signe que notre organisation et notre prévoyance ont porté leur fruit.
Avant le départ, à Roanne

On nourrit malgré tout pas mal de regrets : on n’a pas vu un vrai match de foot, alors qu’on en a eu l’occasion. On a traversé quelques grandes régions de football, et parfois la ville où on se trouvait accueillait un match, mais on n’est jamais allés au stade (surtout à cause du prix des billets).
On n’a pas bossé sur le trajet alors que c’était un de nos vrais objectifs. Quelques occasions se sont présentées, mais il aurait fallu rester (beaucoup) plus longtemps sur place avant même que le job ne commence. Dommage.
On n’a pas vu de gros concert. Pas mal de petits, certes, mais ça ne nous aurait pas déplu d’aller voir une star locale, ou international de passage. Encore une fois, le prix des billets plongeait inexorablement notre budget serré dans le fond de la cuvette.
Aussi il y a eu plein de choses avec ou dans le camion dont on ne s’est jamais servis. Notamment l’électricité, c’est quand même con. On a branché  le popo 8 jours en Grèce, et basta. Bien sûr avec le froid l’utilisation du frigo n’était pas absolument indispensable, mais on a toujours tourné sur la batterie pour l’ordi ou recharger les portables. Vous allez me dire on s’en fout, mais on regrette en général de ne pas avoir assez campé, surtout bien sûr à cause du temps.
Enfin, on aurait aimé, et on pensait vraiment, rencontrer d’autres voyageurs pour faire un bout de route avec nous. Bien sûr il y a eu Julien, mais il n’avait pas de moyen de transport… passer un peu de temps avec d’autres gens en camion ça aurait pu être super cool, mais que nenni.

Sur la route en Italie

Voila, c’est bien de constater qu’on regrette simplement des choses qui ne se sont passées, et pas de choses qu’on a faites. On est tellement contents d’avoir fait ce voyage, on se sent grandit et endurcit aujourd’hui. Et on retiendra bien sûr tous ces endroits et ces évènements incroyables jusqu’à la fin de nos jours… là, je pense à JF et Nelly à Cassis, à Pise, au week end à Rome qui commence dans un squatt et où on avait un appart pour nous, à la Basilicata en Italie, à Météora en Grèce, aux universités grecques, à Thessalonique et la maison de Kostas, à la rencontre d’Umit à Lüleburgaz, à la folie d’Istanbul, à Pamukkale, au réveillon à Mugla, à la rencontre de Bircan à Antalya, à l’ambiance de Beyrouth, à Yassine et Marie dans cette même ville, à Ezz dans sa montagne libanaise, au site de Baalbeck, à l’écovillage du Chouf, à Léo et Drago les punks de Bucarest, à Prague, à Göttingen, et maintenant au plaisir de retrouver tout ce et ceux qui nous ont tellement manqué pendant tout ce temps. On nous demande souvent : « Qu’est-ce que vous avez préféré ? », mais il est impossible de répondre à cette question. Au niveau de la nature ? Des sites historiques ? Des gens ? De la bouffe ? De la chouille ?  Tous les endroits valaient le coup d’être visités.

Statue des Martyrs à Beyrouth

Quelques autres points que je voulais aborder :
L’hygiène. Evidemment, par rapport au quotidien en France, notre hygiène a été absolument déplorable, mais comparé à beaucoup de gens qui vivent sur la route, on s’en est pas si mal sorti. Maximum de jours sans douche : 8. Hardcore, mais en général on en prenait une tous les 3 jours en moyenne. En hiver, ça va. Pour les vêtements, comme on en a souvent parlé, c’était un peu la merde, même en gardant nos fringues 5 jours de suite on devait faire une machine chez chaque couch surfer, et parfois le séchage n’était pas simple (parce qu’il faisait froid ou qu’on devait reprendre la route). De même, la vaisselle, un vrai boulet au jour le jour, il fallait la faire tous les jours et donc trouver un robinet. Le plus souvent c’était dans les stations services, ça nous est arrivé de la faire avec un cubi d’eau, mais là aussi on est souvent arrivés chez nos hôtes avec un plein sac de gamelles à laver… pas très classe, mais bon. Je pense aussi désormais avoir le système immunitaire et digestif le plus résistant d’Europe de l’Ouest, vu le nombre de fois où on a mangé/fait à manger avec les mains et/ou les aliments très sales, dans des récipients pas forcément brillants, et bu de l’eau douteuse. Pourtant je ne suis jamais tombé malade. On a eu beau essayé de rester le plus propre possible, et surtout de garder le camion et nos affaires les plus propres possibles, faut avouer que c’était pas tous les jours simple.
La solidarité entre compatriotes. On remarqué tout au long de la route que entre français, à l’étranger, on est tout de suite très prompts à s’entraider. On se rappelle à Beyrouth, ou même nous qui refilons nos bons plans ou un petit trajet en camion à des gens rencontrés par hasard. C’était cool, ça fait plaisir, et quand on tombe sur quelqu’un qui a la même langue maternelle, on est juste tout content de parler naturellement de choses un peu plus profondes que d’habitude.
On a tellement appris, c’est incroyable. Déjà, et le plus important, est sans doute que Camille se débrouille en anglais. Mieux en 7 mois de voyage qu’en 7 ans d’école, c’est quand même révélateur ! Et puis sur l’histoire, l’antiquité, la naissance des religions, les empires successifs en Europe et au Moyen Orient, les langues parlées dans tous ces pays et ce qu’elles révèlent sur la mentalité des gens, la bouffe aussi, la musique… là on vient juste de renter, c’est encore tout chaud et on n’a pas le recul nécessaire pour se rendre compte de tout ce qu’on a à digérer. Une chose est sûre : c’était dense en enseignement tant sur le monde que sur nous-mêmes et notre couple.
Notre couple justement, mis à rude épreuve mais qui a tenu bon et même bien plus que ça. On n’a pas dû se séparer plus de 2h depuis 7 mois, la plupart du temps avec le camion comme espace de vie, on est toujours tous les 2, soudés, solidaires, ensemble, forts. Notre complicité est aussi une des clés principales de la réussite de notre voyage. On s’est bien pris la tête quelques fois, il y a bien eu des pleurs lors des moments les plus difficiles, mais ça n’a jamais été très grave ni très long.

Pique nique en Grèce

Mais nous vivons dans une société dominée par les chiffres et les statistiques, donc voici une liste de numéros qui en diront plus long sur ce qu’on a vécu.

-0. Le nombre le plus important : 0 vol, 0 accident, 0 embrouille. Là encore on peut se dire qu’on a eu beaucoup de chance, mais c’est aussi sans doute une récompense pour avoir toujours faire attention, fermé et caché convenablement le camion quand on partait, garder le plus près de nous les choses précieuses comme le PC ou l’appareil photo. Pour les accidents, on n'a quasiment jamais roulé de nuit, même quand elle tombait à 17h, jamais après avoir bu évidemment et même pas en étant fatigué. On roulait 1h ou 2, on faisait une pause d’une heure, on changeait de conducteur, et on allait doucement. Et 0 embrouille, pas une seule fois on a eu peur, pas une seule fois on a paniqué, pas une seule fois on a craint pour notre intégrité physique, pas une seule fois on a élevé la voix ou on s’est énervés contre quelqu’un. Des soucis, des doutes, des angoisses, on en eu souvent, voire tout le temps (est-ce qu’on peut se garer là ? Est-ce qu’on peut dormir ici ? Est-ce qu’on peut lui faire confiance ? Comment on va conduire dans cette ville ? Comment on va se garer ? etc), mais une vraie peur genre « ça y est, c’est l’heure » non, jamais.
-1. Une panne, une seule, à Bagnoli en Italie, et puis plus rien. Pas un pneu crevé, pas une panne d’essence, et un popo au top à la ville comme à la campagne, à la mer comme à la montagne. Yeah !
- 4. On aura dormi à 4 reprises dans un hôtel, une fois à Istanbul et 3 fois au Liban. Tout le reste : camion ou couch surfing.
4, c’est aussi le nombre d’alphabets auxquels on a été confrontés : latin, grec, arabe et cyrillique en Bulgarie.
- 10. Le nombre pays traversés. Toutefois, on en a visité « que » 7. Mais bien visités, comme il faut ! C’est aussi le nombre de langues qu’on a lues et entendues. Et oui, une différente dans chaque pays ! Cette richesse extraordinaire nous a fasciné à chaque fois, et on a toujours essayé d’apprendre au moins quelques mots basiques. La moindre des choses, à notre avis, quand on visite un pays : « Bonjour », « Merci », « Allez » et « Santé ».  Avec un sourire, et hop on est copains !
- 16. Par un drôle de hasard, c’est à la fois la nombre de sites UNESCO qu’on a visités et le nombre de concerts auxquels on a assisté. Ce qui a rythmé notre voyage et nos découvertes. Le nombre de fois où on s’en est mis plein les yeux et plein les oreilles. Si vous regardez les posts avec le libellé « meilleurs », souvent ce sera à propos d’un site exceptionnel ou d’une bonne soirée de musique.
- 26. Tous les couch surfers qui nous ont hébergés. Abusé ! ça fait un paquet. Avec une moyenne de 3 nuits par couch sufers, on se rend compte qu’on a passé plus la moitié du temps chez des gens. Car il ne faut pas oublier tous ceux qui nous ont hébergés sans passer par couch surfing.

Cap's chez les couch surfers de Mugla, Turquie

- 49 lieux visités. 49 villes ou villages où on a passé au moins une nuit.
- 100 pages WORD. Incroyable, mais vrai, le document word « blog » fait pile poil 100 pages avec ce  message !
- 1293 photos. Classées, rangées, nommées, toutes belles.
- 10 200 kms. La distance parcourue AVEC LE CAMION. Ça fait pas beaucoup hein ? Il ne faut pas oublier qu’on ne s’en est pratiquement pas servi en janvier et février, et c’est ce qui explique ce nombre peu élevé. On peut sans doute le doubler en comptant toutes les bornes parcourues en vélo, à pied, en bus, en métro, en avion, en stop, en voiture, en bateau, en taxi… on a utilisé presque tous les moyens de transports possibles et imaginables !
- 1 254 987. Approximativement, le nombre de photos de vacances de gens sur lesquelles on figure, volontairement ou non, dont une bonne moitié de japonais…
- 2 654 291. Le nombre de bières descendues !!!
Pour terminer, on peut dire que ce voyage nous aura avant tout confirmé dans nos opinions antiracistes, antifascistes et anticléricales. On a pu constater à quel point l’église divise et gouverne ; par contre, on a été réconcilié avec l’être humain, en lequel on a décidé de croire, car c’est lui qui nous a aidé et a été bienveillant avec nous lors de ce périple.

Et une petite vidéo, pour le plaisir...

2 commentaires:

  1. Snif! Quelle émotion...
    Tout d'abord, merci pour la référence à Amin Maalouf, dont je me suis régalée au cours de plusieurs livres durant plusieurs mois... Il s'agit d'un extrait du Périple de Baldassare peut-être? Ou de Léon l'Africain?
    Ensuite, merci pour cette conclusion, oui, croire en l'humain, en notre unité, en nos capacités à l'amour et à la solidarité à travers la diversité, c'est ça la plus belle des religions, sans aucun doute pour moi! No future? Si, je crois!
    Aussi, merci pour ce surprenant compte-rendu quantitatif, et pour ces 100 pages pile-poil qui nous ont rapprochés de vous pendant tout ce temps : j'ai hâte de vous revoir et bon retour à la maison!
    Enfin, bravo à vous d'avoir surmonté tous les moments difficiles à deux, et je me dis que c'est la preuve d'un amour clair, serein, et fort!

    RépondreSupprimer
  2. MAGNIFIQUE!!
    j'adore!!
    Nelly et JF

    RépondreSupprimer